Les Kallawayas, ces guérisseurs herboristes de Bolivie qui soignaient les Incas

Forgé au fil des siècles, le machaj juyai est une « langue secrète »
encore parlée par quelques familles de médecins herboristes traditionnels,
les Kallawayas, qui vivent dans les andes boliviennes.
Elle véhicule un savoir ancestral, aujourd’hui menacé.

Origine de la culture Kallawaya 

Kallawayas
Guérisseur Kallawaya

La culture Kallawaya est très ancienne, associée à la culture Mollo, elle date du collasuyo soit d’avant les Incas. Originaire de la région de Charazani dans la cordillère Apolobamba, au nord de la Paz et du lac Titicaca, une région riche en or d’où les Incas ramenèrent la première feuille de coca. Les Kallawayas contribuèrent avec des plaques en or au temple du soleil mais ils sont surtout connu pour le savoir de ses hommes médecines.

Depuis des temps immémoriaux les Kallawayas se sont intéressés à l’étude et l’exercice de la médecine traditionnelle et itinérante. Ils parcourent ainsi les routes et les chemins Incas, pour soigner les gens et rechercher de nouveau remèdes et plantes médicinales.  Leur grand savoir leur a valu le titre de médecins officiels des Incas sous l’empire Inca, et œuvre maîtresse du Patrimoine immatériel de l’humanité par L’UNESCO en 2000.

Le mot Kallawaya vient de « Pays de médecins » en aymara ou de « porteur de plantes sur le dos » en Quechua. Les Kallawayas parlent Quechua, Aymara, Castillan et ils ont en plus une langue propre dans laquelle kalliawayai signifie « initié« .

Les guérisseurs Kallawayas

Les Kallawayas sont des agriculteurs itinérants et guérisseurs herboristes vivant dans les Andes boliviennes (dans la province de Bautista Saavedra dans l’État de La Paz, au nord du lac Titicaca). Ils prétendent être les descendants directs des Tiahuanaco (800 après J.-C) et revendiquent une vaste connaissance des plantes sauvages et de leurs usages thérapeutiques.

Kallawayas
Guérisseur Kallawaya

En plus de leurs connaissances en matière de médecine naturelle, les Kallawayas partagent une cosmologie, un ensemble cohérent de croyances, rites, mythes, valeurs et expressions artistiques qui leur donne une vision particulière du monde dont dépend leur conception de la santé. Celle-ci unit la nature, le spirituel, la société et la personne. Les Kallawayas ont conservé une classification détaillée et très ancienne des plantes et des annimaux. La pharmacie Kallawaya, élaborée sur des étages écologiques très variés comprend 980 espèces, c’est une des plus riche du monde.

Les femmes Kallawaya participent seulement à certains rites et se consacrent à la santé des femmes enceintes et des enfants. Elle tissent les étoffes qui s’utilisent lors des rites dont les motifs et les couleurs ont une signification importante. Durant les cérémonies rituelles les groupes de musiciens appelés Kantus jouent de la zampoña et du tambour pour entrer en contact avec le monde des esprits. 

Médecins du corps, guérisseurs de l’âme

Les kallawayas sont connus pour être des voyageurs énigmatiques, portant croix d’argent et sacs chargé de plantes décorés avec des monnaies. Leur réputation est celle de sages médecins aux pouvoirs magiques, de gitans des Andes, de sorciers lisant l’avenir. Les Kallawayas suscitent la crainte et l’admiration. Le mystère sur les Kallawayas est renforcé par la langue propre aux hommes médecins.

Beaucoup de questions se posent sur leurs origines, leur relation avec les Incas, leur culture, leur cosmovision ; quelques réponses ont été apportées dans les années 1960 par des chercheurs Boliviens comme Oblitas Poblete, Otero ou le français Louis Girault.

Kallawayas
Guérisseur Kallawaya

Pour les Kallawaya, chaque élément de la nature est une personne à part entière, et a une identité propre. Les montagnes, les lacs, la pluie, le soleil, les plantes, les animaux… etc., tous sont des éléments vivants. Ils ont un nom, une famille, une maison… Certains de ces sites naturels sont des lieux sacrés.

D’après les Kallawaya pour être en bonne santé, « il faut donner à manger la montagne ». C’est une image qui montre la recherche d’un équilibre vital entre les Hommes et la Terre au travers des rituels et des offrandes, sorte de repas donné à la Pachamama. Dans ces rituels, les trois niveaux écologiques sont représentés : Fœtus et graisse de lama pour l’altiplano, des œillets pour les hautes vallées, du coton et des feuilles de coca pour la région sub-tropicale. Chaque étage écologique doit être représenté par un groupe d’aliments pour que la montagne soit satisfaite est donne la santé aux hommes.

Préservation de leur savoir d’hommes médecine

Les Kallawayas ont développé au fil du temps un « langage familial » dans leurs groupes de parenté (ayllu), au sein desquels ils ont transmis leurs connaissances thérapeutiques holistiques de génération en génération. Ce langage, Machaj Juyai, qui signifie « langue populaire », est encore parlé de nos jours par les huit ayllus (groupes familiaux) des Kallawayas dans une province où la langue officielle est le Quechua. Les plus vieux écrits ont relaté le rôle des Kallawayas dans la concoction de remèdes pour les rois incas et leur entourage.

Kallawaya
Cérémonie Kallawaya

Les Kallawayas ont vite compris que, même s’ils ne pouvaient pas restreindre l’accès aux spécimens (ni breveter les connaissances) des milliers de plantes médicinales qu’ils avaient découvertes, ils pouvaient coder leurs connaissances dans un langage secret qui ne pourrait être transmis qu’au sein des familles de praticiens, par filiation.

Les connaissances sont transmises de père en fils à travers un système de transmission complexe dans lequel le voyage à une importance primordiale.

Actuellement cette médecine est pratiquée par 2000 hommes et utilise des plantes, des animaux, des produits humains, des minéraux, des amulettes et des thérapies pour soigner.

Malgré l’intervalle de plus de 400 ans qui s’est écoulé depuis la chute de l’empire Inca et l’utilisation généralisée de la langue Quechua dans la communauté, les Kallawayas ont préservé leur langue secrète et maintenu une notoriété internationale vis à vis de leurs connaissances des plantes thérapeutiques.

Kallawayas
Guérisseurs Kallawayas

Ils ont ainsi préservé et conservé une classification détaillée des plantes anciennes et des animaux, depuis une époque antérieure à l’époque incas, ce qui constitue aujourd’hui un véritable trésor.

En outre, ils partagent également une même cosmologie, soit un ensemble de croyances, de rites, de valeurs et d’expressions artistiques, qui composent une conception originale du monde. Celle-ci influence leur perception de la santé, autour de la nature, du spirituel, de la société et de la personne. Ils représentent l’une des médecine les plus anciennes et mieux conservée du monde, qu’ils enseignèrent aux Incas, puis aux Jésuites.

Ces dernières années le mode de vie traditionnel des Kallawayas et leurs savoirs ancestraux a été menacé par l’acculturation et le manque de protection juridique des communautés indiennes face aux grandes entreprises pharmaceutiques. C’est dans le but de protéger cette culture et son patrimoine que l’UNESCO l’a déclaré patrimoine immatériel de l’humanité, faisant partie du patrimoine culturel immatériel de la Bolivie.

Utilisation des plantes par les Kallawayas

Kallawayas
Ramassage de plantes

Certaines sources historiques citent les Kallawayas comme les premiers à utiliser l’écorce séchée du quinquina (dont est issue la quinine), utilisée pendant de nombreuses années pour prévenir et contrôler la malaria et d’autres maladies tropicales.

De même, les Kallawayas avait pour habitude d’utiliser le principal alcaloïde de la plante de coca (oui c’est bien la plante utilisée pour fabriquer la cocaïne comme anesthésique topique efficace et adopté plus tard par la science médicale.

Les Kallawayas continuent d’entretenir tout un ensemble de rituels portés sur le respect et la préservation de la nature. Les Kallawayas font des offrandes rituelles à Pachamama (Terre Mère) au sommet d’une montagne, où ils prient pour l’équilibre et l’harmonie sur terre tout en lui témoignant leur respect.

A ce jour, les Kallawayas soignent encore les malades à l’aide d’herbes traditionnelles et de rituels qui remontent à l’époque pré-Inca. Leur approche holistique implique une longue discussion avec le malade. Ils étudient les symptômes du malade mais s’attachent également à son environnement physique.

KallawayasIl est entendu que les connaissances d’un Kallawaya reposent sur de longues années de formation et qu’il agit selon un code strict de valeurs religieuses et morales. Dans les régions reculées de Bolivie, lorsqu’une personne tombe malade, elle se tourne très probablement vers les remèdes traditionnels. La raison est d’ordre pratique, car les remèdes traditionnels sont plus abordables, à contrario des coûts de prise en charge de la santé allopathique. Pour la plupart des agriculteurs, payer les honoraires d’un médecin est tout simplement au-dessus de leurs moyens. De nombreux habitants des zones rurales se tournent donc encore vers les Kallawayas pour obtenir des conseils en matière de santé.

Les Kallawayas, des voyageurs infatigables

Les Kallawayas continuent de voyager, parcourant à pied les anciens sentiers incas malgré les moyens de transport modernes. Ils se sont aventurés dans toute la Bolivie et dans certaines régions du Pérou, de l’Argentine, du Chili, de l’Équateur et même du Panama. La vue d’un Kallawaya, vêtu d’un poncho de vigogne tissé à la main aux couleurs vives, traversant les chemins de campagne avec son bâton de marche, est presque courante dans les hauts plateaux boliviens.

Kallawayas
Préparation de plantes

Les Kallawayas ont aussi appris à parler l’espagnol et divers dialectes indigènes, en raison de leur mode de vie nomade.

Les Kallawayas ne sont pas en conflit avec la médecine moderne. Ils considèrent que le mélange des techniques modernes et traditionnelles peut les rendre plus utiles aux villages ruraux qui s’appuient sur leurs connaissances. Comme ils l’affirment, « dans les cas délicats, nous devons être en mesure d’aider avec des premiers soins médicaux, car la médecine naturelle par les plantes guérit plus lentement. »

Jean-Paul Thouny
Thérapeute énergéticien, formateur - Voiron (Isère) France

Principales sources

• Bolovia exception : www.bolivia-excepcion.com
• Changeons de regard : www.changeonsderegard.com
• Info artisanat Bolivie : www.info.artisanat-bolivie.com
• Ich Unesco : www.ich.unesco.org
• Thérapeutes magazine : www.therapeutesmagazine.com
• Wikipedia : www.wikipedia.org

En Bolivie, le savoir Kallawaya est transmis oralement par les anciens

Pour en savoir plus :

KALLAWAYA : Guérisseurs itinérants des Andes.
Recherche sur les pratiques médicinales et magiques

de Louis Girault, aux Éditions de l’Orstom

Les guérisseurs itinérants kallawaya sont originaires des vallées de Charazani dans les Andes orientales, à mi-chemin du lac Titicaca et de l’Amazonie, sur le territoire d’une ancienne chefferie pré inca. Durant l’époque coloniale et jusqu’à nos jours, ils diffusèrent dans les Andes d’abord, de Quito au Chili, dans tout le continent ensuite, de Panama à Buenos Aires, leur savoir médical né de la rencontre de plusieurs traditions (Pukina, Arawak, Aymara, Quechua) et transmis par initiation. Grâce à une patiente et obstinée enquête menée durant quinze années dans l’amitié de ses informateurs, Louis Girault a pu réunir une collection de plantes médicinales, d’éléments organiques et minéraux, ainsi que des amulettes, utilisés dans les pratiques thérapeutiques et magiques des Kallawaya. Cet inventaire quasi exhaustif de mille éléments, rapportés au vu des classifications locales et confrontés aux anciennes chroniques d’histoire naturelle, permet d’étudier tant les taxonomies indigènes et la pharmacopée traditionnelle que les différents codes, sémantiques et symboliques, employés par ces guérisseurs. Cet ouvrage constitue un instrument de travail irremplaçable pour les hommes de science et de terrain. Botanistes, médecins, ethnologues, archéologues, historiens, ont besoin de tels inventaires systématiques afin d’avancer dans le déchiffrement des cultures américaines, notamment celles qui se trouvent au carrefour des Andes et de l’Amazonie.

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