Danse libre Malkovsky et relaxation active
et accéder au bien-être total
Notre univers moderne empli de technologie a induit une accélération des rythmes de nos vies, que notre organisme a de plus en plus de mal à gérer. Trop de stimuli, finit par provoquer des réflexes de repli sur soi qui se traduisent en contractures de toutes sortes. « Stress », c’est ainsi que l’on nomme un tel état.
Quand celui-ci submerge un individu, ses muscles se raidissent, il se crispe et des tensions contractent certaines parties du corps, en particulier les trapèzes (ces muscles occupant toute la région supérieure du dos à la manière d’un losange) et la nuque. Le langage populaire ne s’y trompe pas et on dit parfois qu’ « on en a plein le dos ». La respiration est superficielle car la cage thoracique ne parvient pas à se dilater et on devient agressif, le plus souvent même sans s’en rendre compte.
L’efficacité dans les tâches à accomplir, qu’il s’agisse des tâches de la vie quotidienne ou de celles de la vie professionnelle, s’en ressent. Les relations humaines se dégradent à cause de l’agressivité et le mal-être s’installe. Au fil des jours, ce mal-être se cristallise en anxiété, en insomnies jusqu’à provoquer de véritables maladies (dépression, burn-out ou autres pathologies psychosomatiques).
Soigner les maux de l’esprit ou ceux du corps qui somatise apparaît souvent comme l’affaire des psychothérapies. Pourtant, il est aussi possible de le faire en agissant directement sur le corps.
Sophrologie, réflexologie, massages … nombreuses sont les méthodes qui proposent ainsi de modifier la relation à son corps dans le but d’obtenir des effets positifs sur l’esprit : gestion du stress, retour au calme, détente d’abord puis sérénité, optimisme et joie de vivre…
La relaxation fait partie de ces méthodes et, de nos jours, apprendre à se relaxer est devenu une nécessité absolue pour qui ne veut pas être submergé par le stress, l’anxiété, le surmenage, les soucis liés au travail et aux difficultés de la vie en général.
La relaxation traditionnelle
Pratique conduisant à la détente du corps et de l’esprit, elle s’effectue généralement étendu, les yeux fermés et sous la conduite d’un instructeur qui invite le candidat à la relaxation à prendre conscience de toutes les parties du corps pour le détendre, en éliminer les tensions, les contractures, en particulier dans les régions paravertébrales et au niveau du cou. En réduisant ces tensions, on se détend complètement et on obtient un bien-être moral sécurisant. C’est très efficace et conduit fréquemment au sommeil.
Dans ce type de relaxation, l’individu est passif et élimine son stress quand celui-ci s’est déjà emparé de lui et a exercé ses méfaits. On soigne donc les effets du stress sans s’attaquer à ses causes, c’est-à-dire aux réactions qui affectent le corps quand l’individu se trouve exposé aux problèmes ou aux difficultés de la vie.
A côté de cette forme de relaxation aux effets bénéfiques indéniables, il s’avère tout à fait intéressant et profitable d’agir aussi de façon préventive en développant des stratégies qui luttent contre le stress au moment où l’individu y est confronté. Cela n’est possible qu’en cultivant un état psychocorporel qui empêche la survenue et l’installation de celui-ci dans les circonstances où il se produit, c’est-à-dire lorsque nous effectuons les actions de notre vie.
Autrement dit, il s’agit d’apprendre comment agir, réagir, interagir pour que les tensions nerveuses et musculaires ne s’emparent pas de soi et ne submergent pas le corps aussi bien lorsque nous accomplissons des tâches purement physiques que lorsque nous sommes en interrelation verbale ou émotionnelle avec les autres.
La danse Malkovsky ou comment cultiver la « tension juste »
Même si ce n’est pas stricto sensu une méthode de relaxation, la danse Malkovsky en produit cependant les effets.
Pour Malkovsky, l’objectif est de trouver non pas le relâchement musculaire que l’on expérimente dans la relaxation mais la tension juste des muscles au cœur de l’action. L’objectif est de réaliser ce que les Orientaux appellent le non-faire et de mettre en application leur précepte : » Faisant toute chose, vous devez vous sentir ne rien faire ». C’est cela qui génère une sensation de détente.
On peut alors parler de relaxation « active » car, à l’écoute de ce qui se passe en lui pour chercher à faire le moins d’effort physique possible dans la réalisation des mouvements, le danseur apprend ainsi à être lui-même cocréateur de son bien-être.
En quoi consiste une séance de danse Malkovsky et que se passe-t-il dans le corps ?
Quel que soit le niveau déjà atteint dans la pratique, une séance commence toujours par la réalisation des mouvements de base, un peu comme un pianiste fait des gammes pour délier ses doigts.
Le premier exercice consiste à retrouver la marche naturelle ou marche portante (se reconnecter à l’élan vital, à chaque pas se recevoir sur l’avant-pied, donner son amplitude à la latéralité croisée). Cette façon de marcher amène en elle_même une détente. Elle redonne à la colonne vertébrale sa capacité d’onduler naturellement tandis que le balancement des bras en latéralité croisée défait les contractures des épaules. On se sent tout de suite plus léger.
Marcher est aussi l’occasion pour chacun d’explorer l’espace où se déroule la séance, de rencontrer les autres danseurs par le regard ou un geste de main et de trouver ainsi « sa » place. La danse n’est pas une pratique solitaire mais collective qui invite à communiquer avec les autres, ce qui évite le repli sur soi.
A partir d’autres exercices ludiques d’une grande diversité (jeux de balle, légère ou lourde ; jeux avec un foulard ou un bâton, jeux à mains nues) on trouve son propre jaillissement et l’énergie vitale circule dans tout le corps : là encore, les tensions musculaires et les blocages articulaires se défont.
Au fur et à mesure que la séance se déroule, les mouvements deviennent plus déliés. En effet, si on laisse de côté le mental analyseur et ratiocineur, la sagesse naturelle du corps prend les commandes et permet de réaliser toutes les phases d’un mouvement, indispensables pour que l’énergie circule et anime notre être tout entier. Pour chaque mouvement réalisé, c’est une courbe, une spirale ou une lemniscate qui s’inscrit dans l’espace. Cela donne alors la sensation qu’on ne fait rien d’autre sinon déclencher le premier mouvement par un simple déclic tandis que les mouvements suivants s’enchaînent. C’est là la meilleure image du mouvement perpétuel : chaque mouvement réalisé y est le début du mouvement suivant.
Enfin, la respiration se fait plus ample et, signe absolu que la détente s’installe, il n’est pas rare de bâiller. Bientôt les sourires remplacent les visages fermés, les soucis sont oubliés.
De retour dans la vie réelle, le travail effectué lors des séances ne s’arrête pas. Au fil du temps, la conscience corporelle s’accroît, ce qui aide à surmonter les mécanismes générateurs de stress. Il n’est pas question, en effet, d’oublier tout ce qui a été expérimenté en dansant pour revenir à l’individu tendu et étriqué « d’avant ».
Il s’agit au contraire de pratiquer la marche naturelle aussi souvent que possible (par exemple quand on marche dans la rue), de trouver la loi du moindre effort dans toute action physique (faire le ménage, soulever et porter un objet lourd, bricoler, jardiner, etc.), de se laisser dilater par la respiration à la moindre crispation ressentie. Tout cela induit une modification progressive mais profonde de notre comportement qui maintient notre être dans les énergies de la vie et crée en nous un état vibratoire dynamique et positif, source de bien-être et de joie de vivre.
Malkovsky ne cessait de répéter dans ses cours : « L’homme a inventé la machine, la machine a conquis l’homme, il fonctionne mais il ne vit plus ». Le travail qu’il propose est ainsi un bon moyen de retrouver toute notre vitalité au sein d’un univers qui nous l’enlève.
En faisant des gammes avant
Ces mouvements de base concernent le déplacement dans l’espace (exercer la marche naturelle en posant le poids du corps sur l’avant-pied et non sur le talon, trouver l’élan, réactiver la latéralité croisée à travers des jeux avec une balle, légère ou lourde, etc. (pour plus de précision se reporter aux articles précédents) mais aussi la rencontre avec les autres car, à la différence de nombre de méthodes, la danse est une pratique collective propre à créer une dynamique de groupe, une ambiance.
Cette partie du travail ne doit pas être négligée même lorsqu’on est un danseur libre expérimenté car c’est à ce moment-là que le corps retrouve justement sa liberté de mouvement et se délie.
Le premier effet est justement de défaire les tensions musculaires, de supprimer les « nœuds » qui empêchent l’énergie de circuler dans le corps et de libérer la respiration. Il n’est pas rare de voir tout le monde se mettre à bailler, ce qui constitue un signe évident de détente. Si en effet on limite la « relaxation » à ce qui produit une détente totale des muscles tendus chez un individu allongé, c’est-à-dire inactif, passif.
Pour en savoir plus :
La danse libre, sur les traces d’Isadora Duncan et de François Malkovsky
d’Anne-Marie Bruyant – Éditions Christian Rolland (2012)
L’Américaine Isadora Duncan (1877-1927) a révolutionné la danse du XXe siècle en rejetant radicalement le langage et la formation de la danse classique au profit d’une danse plus naturelle et spontanée. Bien que les plus grands danseurs et chorégraphes qui lui ont succédé aient reconnu son rôle majeur dans l’évolution de la danse, la voie qu’elle a ouverte a été désertée par tous ceux qui occupent le devant de la scène. Inspiré par la danseuse aux pieds nus, François Malkovski (1889-1982) fut le génial inventeur d’une pédagogie permettant au corps de retrouver et conserver sa liberté de mouvement afin d’exprimer les émotions humaines.
La danse libre a quitté la scène et ses spectacles, mais elle a intégré la vraie vie. Elle s’offre maintenant à quiconque ressent le désir de « danser sa vie », allumé par Isadora Duncan, pour vivre mieux et plus intensément. Cet ouvrage est né de la rencontre entre la pratique de la danse libre de l’auteur et les « Dialogues avec l’Ange » de Gitta Malash. S’est alors ouvert pour Anne-Marie Bruyant le chemin qui permet à l’âme de s’exprimer à travers le corps et à celui-ci d’écouter le chant du monde. Par ce livre, elle partage son expérience de la danse libre et propose au lecteur d’emprunter cette voie inspirante sur les traces d’Isadora Duncan et de François Malkovski.