Aujourd’hui toutefois, j’aimerais développer le rôle que peut jouer la danse Malkovsky pour surmonter et dépasser un grave traumatisme subi par le corps ainsi que ses conséquences psychologiques.
L’accident
Or, Catherine n’a rien fait de tel. Il est évident que son état était loin d’être enviable mais elle ne s’est pas arrêtée à cela. En fait, elle a commencé par remercier d’être toujours en vie, car avant même cet « accident » Catherine était une personne passionnée par la vie, passionnée par le Beau, les arts. Elle confie même dans une interview qu’elle a donnée à une radio locale que, dès qu’elle a eu repris conscience, lui est venue à l’esprit cette très belle chanson de Jean Ferrat chantée autrefois pas Isabelle Aubret, elle-même victime d’un grave accident de la route,
C’est beau la vie. Puis, elle a pensé au conducteur du véhicule, cet homme qui avait fait de multiples séjours en hôpital psychiatrique et n’aurait jamais dû se retrouver au volant d’une voiture. Catherine a ressenti de la compassion envers cet homme, parce que selon elle, il était plus à plaindre qu’elle, enfermé qu’il était dans sa folie. Ensuite seulement elle s’est mise à vraiment penser à elle, à ce corps meurtri, cassé, immobilisé sur un lit d’hôpital. Il lui est immédiatement apparu comme évident qu’elle allait utiliser la danse Malkovsky pour sa rééducation. Et elle n’avait qu’une hâte, c’était de pouvoir déjà tenir sur ses jambes et remarcher.
Première période : visualiser
En attendant, immobilisée par ses fractures, que pouvait-elle faire ? Eh bien, elle n’est pas restée à ruminer et à se lamenter sur son malheur. Elle a commencé à agir avec ce qui fonctionnait parfaitement : sa pensée.
À peine sortie du coma, elle a décidé de se prendre en charge et a procédé à un « scanner mental » de son propre corps. C’est ainsi qu’elle a senti elle-même que sa cheville gauche était atteinte ainsi que son poignet droit et qu’elle a demandé aux médecins à passer une radio de ces régions, ce qui leur a permis de découvrir les fractures qui s’y trouvaient.
Catherine effectuait même des micro-mouvements, allongée dans son lit et s’endormait en marchant. Dans le même temps, elle était entre les mains des chirurgiens qui l’ont opérée, ont réparé ses fractures et lui ont redonné son visage d’avant. Ils ont fait, je crois, des miracles car celui-ci ne garde pas trace de ses blessures et, si elle n’avait pas dit qu’elle aurait été défigurée sans ces interventions, je ne l’aurais pas vu.
Deuxième période : les opérations et la rééducation
Catherine a donc subi une première opération pour sa fracture à la jambe gauche et une seconde pour le visage 15 jours plus tard. À partir de là, des aides-soignantes l’aidaient à se lever. Elles ont remarqué qu’elle gérait ses points d’appui, ce qui facilitait grandement leur tâche. Catherine attribue cette capacité à bien utiliser ses appuis à sa pratique de la danse Malkovsky. Elle s’est même très vite autonomisée, au point de se passer des aides-soignantes pour aller aux toilettes.
Puis on lui a mis la jambe gauche dans une gouttière et les médecins lui ont fait faire du kinétech pour son genou droit afin de le faire plier. Elle a trouvé ce procédé très douloureux et aurait préféré pouvoir tout faire à son rythme, beaucoup plus progressivement et dans le respect de son corps et des signaux qu’il lui envoyait à travers la douleur. Elle déplore avoir dû se battre contre la kinésithérapeute qui s’occupait d’elle, pour faire entendre son point de vue. Mais cela a accru sa détermination à faire sa rééducation avec la danse.
À partir du moment où elle a pu poser le pied par terre, Catherine a réappris à marcher entre deux barres parallèles et, là encore, elle a pratiqué l’X, au plus grand étonnement des équipes qui s’occupaient d’elle.
Troisième période : entrer de nouveau dans la danse
Enfin Catherine a pu marcher avec deux béquilles et quitter l’hôpital, il y a à peu près un an. À peine 4 mois après son « accident », elle a recommencé à danser. Arrivant aux cours avec des béquilles, elle les déposait pour danser, trouvant grâce à la pratique des mouvements naturels un meilleur équilibre. Elle m’a même avoué qu’elle dansait mieux qu’elle ne marchait !
Les médecins et le personnel médical se sont étonné de la rapidité avec laquelle Catherine s’est rétablie. Elle dit que la hâte de retrouver les amis de la danse a été pour elle une source de motivation qui l’a grandement stimulée.
Aujourd’hui, elle prend cet événement comme une « leçon de vie ». Elle dit y avoir acquis la conscience aiguë d’être mortelle, ce qui l’a amenée à se sentir vivante et à accueillir chaque jour comme un cadeau. Elle dit aussi avoir appris à s’occuper d’elle, à se centrer sur l’essentiel et à savoir dire non. Elle affirme même que ce garçon qui a voulu la tuer lui a en fait tendu un miroir lui montrant la façon dont il lui arrivait malgré tout, auparavant, de se traiter avec violence…
Pour en savoir plus :
La danse libre, sur les traces d’Isadora Duncan et de François Malkovsky
d’Anne-Marie Bruyant – Éditions Christian Rolland (2012)
La danse libre a quitté la scène et ses spectacles, mais elle a intégré la vraie vie. Elle s’offre maintenant à quiconque ressent le désir de « danser sa vie », allumé par Isadora Duncan, pour vivre mieux et plus intensément. Cet ouvrage est né de la rencontre entre la pratique de la danse libre de l’auteur et les « Dialogues avec l’Ange » de Gitta Malash. S’est alors ouvert pour Anne-Marie Bruyant le chemin qui permet à l’âme de s’exprimer à travers le corps et à celui-ci d’écouter le chant du monde. Par ce livre, elle partage son expérience de la danse libre et propose au lecteur d’emprunter cette voie inspirante sur les traces d’Isadora Duncan et de François Malkovski.