Mode et Handicap …

en fauteuil, et à la mode !

Quand on est en situation de handicap, s’habiller peut relever du parcours du combattant. Surtout quand il s’agit de se vêtir avec goût. Un jeune créateur tente de concilier mode et handicap.

La création fonctionnelle…

Boutons aimantés, zips, manches amovibles, poches larges, tailles élastiques… les vêtements du styliste parisien Chris Ambraisse Boston, 28 ans, sont à la fois chics et pratiques. Et pour cause, les collections de ce créateur de la marque A&K Classics sont autant destinées aux valides qu’aux personnes handicapées. « Quand je crée, j’ai toujours en tête qu’il faut que ce soit ergonomique, moderne, facile à mettre, explique-t-il, je joue sur plein de petites astuces ». Depuis 2006, ce jeune designer travaille sur des habits mixtes afin de « casser la discrimination » dont peuvent être victimes les non-valides dans l’univers de la mode.

« Je voulais vraiment allier innovation et handicap, ce qui n’existe pas dans ce milieu », avance-t-il. Tout est parti d’une rencontre dans le métro il y a quelques années. Alors qu’il dessinait des modèles, une jeune femme handicapée l’aborde. Elle m’a dit : « il faut penser à nous ! » Handicapée moteur, elle voulait des vêtements mode mais fonctionnels et ne trouvait rien à son goût, raconte-t-il, alors ça m’a fait réfléchir… et ce fut le déclic. Après un an et demi de recherches pour « comprendre le besoin et les difficultés », Chris Ambraisse s’est lancé. Avec succès. Il enchaîne les défilés, les expositions, les festivals et les colloques. « Il y a une vraie demande des personnes handicapées pour avoir des vêtements beaux, élégants, pratiques », précise-t-il.

Le comédien Mathieu Mienné confirme. « On est souvent obligé de porter des habits qui ne nous plaisent pas », explique ce jeune mannequin, atteint de spina-bifida, une maladie neurologique qui lui paralyse les membres inférieurs. L’esthétique, d’abord, est un vrai problème. « Certaines marques qui bossent un peu sur le handicap se concentrent surtout sur les personnes âgées, et je n’ai pas envie de m’habiller comme un pépé. ». Ce qui le contraint à passer par une couturière ou par des marques spécialisées. Mais là, c’est le budget qui coince. « Ça coûte cher et on a rarement les moyens », déplore-t-il.

Le droit à l’image…

Les créations de A&K Classics vont de 25 € (pour un t-shirt) à 300 € (des manteaux en cachemire). « Je considère que ce n’est pas très cher, les matières sont coûteuses et ça reste de la créa », précise Chris Ambraisse. A l’heure actuelle, il est le seul en France à faire des « vêtements pour tous », à la fois pour valides et handicapés, sans dissociation. Mais il est confiant : « c’est un marché encore faible, mais ça va se développer, se démocratiser. ». Un avis que partage Hélène Grassi, coach en image de l’agence Alziamo, dont certains clients sont des personnes en situation de handicap. « Ça progresse, petit à petit », estime-t-elle, notamment au travers du développement des formations. « J’ai appris à des femmes aveugles à se maquiller, et c’est important pour elles de se sentir féminine en étant capable d’appliquer le rouge à lèvres et de le porter », explique-t-elle.

Elle sent chez elles « une volonté d’affirmer : j’ai ma différence mais je suis femme avant tout. C’est aussi un moyen se donner confiance dans une société qui, elle, n’est pas toujours à l’aise avec le handicap. » Et quand il s’agit « d’accompagnement shopping » et de relooking, elle n’hésite pas à se tourner vers les créations de Chris Ambraisse qui, à une semaine des Jeux paralympiques, avoue déjà songer « à des collections sports. »


Témoignages

D’une main fraîchement manucurée, Myrtille, la trentaine, chef de projet pour une ONG internationale, pose son demi-pêche sur la table d’un café branché des quais de l’Est parisien. « Quand j’ai rencontré François, il y a trois ans, j’ai eu le coup de foudre. Le fait qu’il roule en fauteuil, et pas en Porsche comme mon ex, n’a aucunement atténué mon ardeur. Il était beau, ultra-cultivé, à mourir de rire et très attentionné. Le seul truc qui clochait, c’était qu’il portait des fringues vraiment craignos ! Depuis son accident de moto en 2007, il galère pas mal pour trouver des vêtements compatibles avec son handicap, faciles à enfiler et à désenfiler, confortables et… chics ».

Sabrina, jeune attachée de presse dans l’industrie pharmaceutique atteinte d’une sclérose en plaques, fait à peu près le même constat : « Chaque séance d’habillage et de déshabillage est compliquée pour les personnes à motricité réduite… Du coup, il m’arrive parfois de renoncer à mes désirs en termes d’apparence et d’opter pour des tenues adaptées aux contraintes liées à ma maladie. ».

Chris Ambraisse Boston

Président, fondateur et designer, il crée l’association « Mode et Handicap, c’est possible ». Après un diplôme à l’atelier Letellier (Paris 15e) puis un Master (M2) dans la discipline « arts plastiques à l’École des Beaux-arts », il alterne, après son diplôme, périodes de chômage et petits boulots chez des créateurs de prêt-à-porter.

Il a eu envie de créer une collection de vêtements d’un autre genre : une ligne qui n’exclurait personne, pas même les handicapés. Il s’est lancé dans cette aventure, car il n’avait pas envie de faire de la mode pour de la mode, mais de servir, d’être un acteur social.

Chris entame ensuite des recherches et rencontre les personnes concernées : comment s’habille-t-on quand on est handicapée moteur ? Comment enfile-t-on un pull, un jean, une chemise ? Il choisit, pour ses premières pièces, des coupes ludiques et asymétriques, des matières fluides et étirables comme de la maille ou de l’élasthanne…  Sans oublier des ouvertures « en veux-tu en voilà » : aimants, velcros, zips… Le vêtement doit être facile à mettre ou à enlever. ».

Sa cible ? une clientèle jeune, active, urbaine. Handicapée ou… non : « Il faut casser cette frontière existant entre les valides et les non-valides. Quand on crée, c’est important de vouloir porter ses propres créations », conclut le jeune homme, également soutenu par un réseau de partenaires dont les couturiers LVMH et Lanvin.

Lauréat du Prix 2010 de l’Ethical Fashion Show, Chris a pu lancer une collection qui revisitait la cape. Facile à enfiler et très la mode, la cape et un produit phare qui est travaillé ici dans des matières naturelles et luxueuses : cuir, lainages, cachemire, nylon. Comme pour les cyclistes, la cape est parfaite pour une personne en fauteuil.

A&K Classics

Le concept fédérateur d’A&K Classics, initié en 2009 par le designer Cris Ambraisse Boston, est un peu différent des « chercheurs de niches juteuses », sévissant dans la mode, comme ailleurs, puisque ses collections s’adressent aussi bien aux valides qu’aux personnes handicapées. En tirant parti des contraintes entraînées par le handicap, la fine équipe crée des vêtements trendy pourvues de systèmes d’ouverture adaptés aux difficultés de mouvements et conçues pour tous. Malin ! Rien d’étonnant, donc, à ce que de prestigieux acteurs de la mode tels que LVMH et Lanvin en soient rapidement devenus partenaires, aux côtés de La Mairie de Paris, de La Fondation de France, de l’ONG de réinsertion professionnelle Femmes Actives et de l’assoc’ Mode & Handicap (qui organise des défilés de mode incluant des mannequins atteints de handicap). Les collections d’A&K Classics sont en vente dans des boutiques non spécialisées telles que La Petite Boutique de Mode (Paris 11ème) et l’entreprise a déjà reçu 8 awards.

Étant donné les siècles de retard à rattraper, nous ne pouvons qu’espérer le référencement rapide de ces marques aux Galeries Lafayette, Printemps, Bon Marché, Franck & Fils et autres Citadium… Quant à Colette et à ses petits frères autoproclamés précurseurs du look, force est de constater qu’ils ont honteusement loupé le coche sur ce coup-là.

Interview de Chris Ambroisse Boston par Sandrine Chesnel, pour France Info, le 24.11.2012

Créer des vêtements à la mode pour les personnes en fauteuil, c’est le pari de Chris Ambraisse Boston, En 2006, ce jeune créateur a créé l’association « Mode et Handicap » et en 2009, il a lancé une ligne de vêtements adaptés aux personnes en fauteuil.

Sandrine Chesnel : Comment est née l’idée de Mode et Handicap, Chris Ambraisse ?

Chris Ambraisse Boston : L’idée de Mode et Handicap est née suite à une rencontre dans le métro, où j’étais en train de dessiner, et une personne en fauteuil est venue me voir et m’a dit : « ah, c’est bien ce que vous faites, mais il faut penser à nous parce que l’on a du mal à avoir des vêtements élégants, beaux, et en même temps que le vêtement soit adapté… ».

S.C. : Quand vous avez eu cette idée, vous avez commencé à faire le tour des banques pour la financer… Est-ce que vous avez eu un bon accueil ?

C.A.B. : Heu… non, pas du tout ! Ah non, c’était horrible, parce que lorsque j’ai commencé le projet, il a fallu déjà rencontrer… c’est vrai que les personnes handicapées, je ne connaissais pas du tout… j’ai pu rencontrer des associations, fédérations, ergothérapeutes et médecins, pour comprendre en fait la problématique… Ensuite, j’ai dû envoyer 50 dossiers à des structures publiques et privées et aussi à des banques… et bon, et voilà, j’ai jamais eu de réponse…

S.C. : Qu’est-ce que l’on vous disait ?

C.A.B. : On me disait : « Non, votre projet… les personnes handicapées n’ont pas besoin de vêtements… cela ne va pas marcher… » Voilà, cela a été le côté vraiment très négatif…

S.C. : Et du côté du milieu de la mode, comment est reçu votre travail et les collections que vous faites pour les personnes en fauteuil ?

C.A.B. : Pour eux c’est une découverte, ils disent : « Ah, ça existe, c’est nouveau ! » et en même temps, il y a ce côté dessine et créa, et çà c’est un plus, c’est assez bien perçu. En plus, ce que je voulais rajouter aussi, c’est que la fabrication est faite par un centre d’insertion, et au niveau des matières aussi… les matières sont des matières recyclées, que l’on retravaille, et qui nous ont été offertes par de grandes marques de luxe. Voilà, c’est vrai qu’il y a toute une chaîne des valeurs, une éthique, qui est derrière.

S.C. : Techniquement, pour vous le créateur, est-ce qu’il y a beaucoup de contraintes ?

C.A.B. : Alors, lorsqu’on dessine des vêtements pour les personnes handicapées, il y a des contraintes. Ce n’est pas facile… en fait il ne faut pas se dire : « bon et bien voilà, on va faire un vêtement et on va placer un zip par ci, un aimant par là… » Non ! Il y a toute une recherche pour comprendre en fait, comment la personne s’habille, comment elle soulève les bras… pour permettre d’avoir un vêtement plus facile à porter. Alors, il faut jouer sur les coûts, suivant la morphologie de la personne, et se dire : « bien voilà, où est-ce que l’on va placer le zip, et on ne peut pas le placer n’importe où… ».

S.C. : Pour vous, permettre aux personnes qui sont en fauteuil, de porter des vêtements à la mode, est-ce que c’est une façon de luter contre les discriminations dont elles sont victimes ?

C.A.B. : L’idée, c’est vrai, c’était de casser cette discrimination, et c’est aussi faire passer le message que ces personnes-là existent et sont comme tout le monde A&K Classics : , et… on les regarde, mais il faut les regarder autrement… il faut oublier en fait leur handicap…

S.C. : Merci Chris Ambraisse Boston… Je rappelle que vous avez lancé avec Mode et Handicap, une ligne de vêtements à la mode et pratique pour les valides et les personnes en fauteuil. Je précise que votre collection été 2013 sera présentée le 29 novembre à la Cité de la Mode et du Design.

Principales sources :
• A&K Classics : www.aandkclassics.fr
• Ecolo info : www.ecoloinfo.com
• Huffington Post : www.huffingtonpost.fr
• L’Express : www.lexpress.fr
• Mode et Handicap : www.modeethandicap.fr

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Commentaires (3)
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  • ravaomihanta

    je suis très contente de votre volonté de creér des modes pour les handicapés.J’en fais partie et mon problème est mon pied droit ,qui est un peu oblique .Cela m’ oblige à porter des tuniques pour cacher mes hanches or je souhaiterais porter des slim!pouvez vous me conseiller!

  • Carole Vallieres

    Et … vous avez complètement oubliés les handicapés mentales… Je suis bipolaire et pas plus épeurant que d’ autres (grâce a l ‘armée et 2 1/2, 3 ans d’harcèlement) je soufre d’un enfer total a tout les jours. très intelligente j’ai de la difficulté a lire et quoi que ce soit… avant je lisais des enssiclopédies maintenant, je sui riens … et j’ai deux psychiatres avec pleins de médicaments… HEI NOUS AUSSI ON CONPTES………….