Après vous avoir parlé des origines et vertus du safran dans le précédent article, je viens approfondir avec quelques explications sur la particularité de ce type de culture totalement manuelle, car non mécanisable, ainsi que de son utilisation culinaire pour le plus grand plaisir de nos papilles !
La culture du safran
La culture
Un safranier, peut à lui seul travailler une parcelle d’une surface de 1000 à 1500 m².
L’exposition de la safranière est importante : sud/sud-est. Il est important de travailler le sol au préalable afin de le rendre meuble. On creuse un sillon et les bulbes sont plantés un à un en pleine terre à la fin de l’été à une distance de 10 à 20 cm et une profondeur de 15 à 30 cm. Il faut désherber régulièrement la parcelle que ce soit manuellement à l’aide d’une binette à multigriffes ou à l’aide d’une motobineuse.
La récolte
Les fleurs sont ensuite émondées une à une dans la journée. Il faut séparer le pistil composé de trois stigmates rouge vif de chaque fleur et aucune mécanisation n’est possible. Seule la main de l’homme peut effectuer cette tâche. De nombreuses mains sont nécessaires pour effectuer ce travail.
Le séchage
Le conditionnement
Le safran est ensuite conditionné dans des pots en verre scellés avec un bouchon en liège. Les 3 stigmates d’une fleur pèsent environ 30 mg à leur prélèvement et 6 mg après dessiccation Il faut entre 150 et 200 fleurs pour obtenir 1 gramme de safran sec prêt à être consommé, (150 000 fleurs pour obtenir 1 kg de Safran épice !).
Culture du safran dans le monde
La production mondiale se situe autour de 200 tonnes et provient en grande partie d’une large ceinture s’étendant du Maroc à l’Inde (Cachemire).
L’Inde vient en deuxième position avec le Cachemire.
Viendrait ensuite l’Espagne avec 30 à 40 tonnes par an, mais en fait le chiffre est n’est pas certain.
En 1914, l’Espagne était l’un des premiers pays producteurs du monde et produisait avec 124 tonnes par an. En 1986, sa production était tombée à 35 tonnes et actuellement elle tourne autour de 1 à 2 tonnes par an. La production actuelle est située dans la province de la Mancha, non loin de Tolède. Depuis 1963, une fête du safran existe dans le village de Consuanegra, village également célèbre par ses moulins à vent, immortalisés dans une scène de Don Quichotte.
La Grèce 6 à 8 tonnes par an et se trouve en troisième position. Les cultures s’étendent en Macédoine, au Sud du département de Kosani où se trouve la ville de KroKos.
Le Maroc quant à lui produit autour de 3 tonnes par an, dans l’Anti-Atlas autour du village de Taliouine, à 100 km de la ville de Taroudant.
L’Italie produit également du safran, environ 1 tonne par an, cultivé en Sardaigne, près de la ville de San Gavino Monreale.
En 1987, une association « Les safraniers du Gâtinais » fut créée pour relancer la production. La production française est maintenant répartie sur une quarantaine de départements français, avec une production non négligeable dans le Loiret (safran du Gâtinais), le Lot (safran du Quercy) et dans la Creuse (une safranière vaste de 1 ha est la plus importante exploitation de France). Ils assurent à eux tous une production d’une dizaine de kilos par an.
Attention à la contrefaçon
Vu le prix élevé du safran, les faussaires se sont découvert une manne intéressante pour faire de l’argent. Sur les étals des marchés des prix défiants toute concurrence peuvent attirer le chaland. Mais attention à la contrefaçon. Des épices très colorées vous sont vendues comme étant du safran mais il s’agit souvent d’autres épices de même couleur.
Des extraits de plantes se présentant sous forme de filaments de couleur rouge orangée, par exemple des pétales de carthames ou de souci séchés. En ce qui concerne le safran séché la fraude est encore plus insidieuse. Il est courant de remplacer le safran par d’autres épices en poudre ou d’ajouter de la brique pilée. Pour ne pas se faire avoir, il suffit de sentir. Si l’arôme puissant du safran ne se dégage pas, il vaut mieux s’abstenir.
Le safran en cuisine
Le safran est un puissant exhausteur de goût. Il est présent dans la cuisine orientale depuis des millénaires. Il s’utilise avec parcimonie : 1 à 2 pistils (soit 3 à 6 stigmates) par personne suffit. On peut exceptionnellement aller jusqu’à 3 pistils (soit 9 stigmates) par personne pour la paëlla ou sur certains coquillages.
Le safran est également l’ingrédient majeur du zarda pullao en Inde (considéré comme un plat de fête consommé à la fin du jeûne du Ramadan). Les indiens l’utilisent également dans les byrianis indiens (sauce épaisse, préparée à base de safran, cardamone, clous de girofle, cannelle, noix de muscade, anis, entre autres).
Le safran s’accorde très bien avec les viandes blanches comme le poulet et la dinde, le mouton très prisé des ragoûts marocains ou autres tajines succulents.
En dessert, le safran se marie très bien avec les pommes, excellent sur une Tatin ou en compote, dans une crème anglaise et crème brûlée, ou encore dans une salade d’oranges ou avec des poires au vin. Il pourra également parfumer le lait, donc les yaourts. On peut l’incorporer dans la pâtisserie comme les 4/4, madeleines et autres petits gâteaux, Il peut également se consommer sous forme de thé, à base de thé vert et se prépare comme le thé à la menthe.
Il faut toujours cuisiner le safran avec des ustensiles en métal car sinon il colorera à jamais, les cuillères en bois et maryses en caoutchouc.
Truc et astuces
Pour diluer un demi-gramme de safran, mettre les stigmates à tremper dans un bol d’eau pendant toute la nuit. Filtrer ensuite avec un chinois, ou une mousseline qui sera réservée à cet usage (car prenant la couleur du safran), et ensuite, éventuellement diluer encore selon les besoins. Une telle quantité devrait suffire pour préparer du riz pour vingt personnes ! En Inde ils diluent le safran dans du lait tiède.
Le saviez-vous ?
La Chartreuse jaune, liqueur traditionnelle composée par les moines de la Grande Chartreuse selon une formule largement secrète, contient un peu de safran.
Quelques recettes avec le safran
Risotto de petits pois au safran
- 350 g de riz rond carnaroli
- 4 poignées de petits pois surgelés
- 2 sachets de safran en poudre
- 75 g de beurre doux
- 1 petit oignon pelé et émincé très finement
- 2 litres de bouillon de poule (préparé)
- 50 g de parmesan râpé
- Sel de mer
- Poivre noir du moulin
- Faites fondre la moitié du beurre (35 g) dans une grande casserole et y faire suer l’oignon émincé.
- Ajoutez ensuite le riz, et faites-le dorer à feu vif avec les oignons en mélangeant bien pendant environ 5 mn.
- Mouillez ensuite la préparation avec 3 louches de bouillon chaud, et laissez s’évaporer, en remuant constamment.
- Réduisez ensuite le feu, puis ajoutez les petits pois et bien mélanger.
- Poursuivez la cuisson pendant 2 à 3 mn, sans cesser de mélanger.
- Rajoutez une louche et demie de bouillon chaud, dès qu’il n’y a plus de bouillon dans la casserole.
- Continuez ainsi cette durant 12 à 15 mn. Ne rajouter du bouillon qu’à partir du moment où le bouillon précédemment ajouté a été totalement absorbé par le riz.
- Dès que le riz est cuit (mais qu’il est encore un peu ferme sous la dent), retirez la casserole du feu et ajoutez-y le restant du beurre, la moitié du parmesan râpé et le safran en poudre.
- Mélangez bien, salez et poivrez, et mélangez à nouveau.
- Laissez ensuite reposer le risotto hors feu et couvert pendant 4 mn.
- Dressez le risotto dans des assiettes creuses.
- Saupoudrez avec le restant de parmesan, et servez aussitôt.
Crème brulée au safran
- 5 jaunes d’œuf
- 100 g de cassonade
- 125 g de lait
- 375 g de crème fraîche liquide
- ½ gousse de vanille
- 10 pistils de safran
- Mettez les pistils de safran à infuser dans 1 à 2 cuillères à soupe d’eau chaude pendant au moins deux heures.
- Faites chauffer la crème et le lait avec une cuillère à café de sucre.
- Lorsque le mélange arrive à ébullition, ajoutez le safran infusé. Coupez le feu et laissez reposer.
- Pendant ce temps, fouettez les jaunes d’œufs avec le reste de sucre.
- Mélangez intimement sans faire de mousse.
- Versez le mélange lait/crème/safran.Remuez délicatement, toujours sans faire de mousse.
- Répartir ce mélange dans des ramequins.
- Laissez cuire environ 25 min à 100 °C dans un four à chaleur tournante. La crème doit être prise mais encore tremblante.
- Faites refroidir aussitôt.
- Avant de servir, saupoudrez la surface des crèmes de cassonade et caraméliser sous le gril du four ou avec un petit chalumeau.
Article complémentaire : Le Safran : origines et vertus
Principales sources :
- Au jardin Safrane : www.aujardinsafrane.com
- Cœur de France : www.coeur-de-france.com
- Epice Automne : www.epice-automne.com
- Safran de France : www.safrandefrance.fr
- Safran du Gatinais : www.safrandugatinais.fr
- Safranum : www.safranum.com
- Wikipédia (épice) : www.wikipedia.org
- Wikipédia (safran) : www.wikipedia.org
Pour aller plus loin
Le safran, dix façons de le préparer
de Véronique Chapacou – Les éditions de l’épure
De nombreuses légendes ont traversé le temps à propos du safran. Il serait né du sang de Crocos blessé à mort par son ami Mercure, et il se raconte aussi que Cléopâtre en parfumait ses bains chauds avant de recevoir ses amants ou que Néron en aurait fait répandre dans les rues de Rome pour célébrer son entrée dans la ville.
Cet or rouge, issu de la délicate fleur du Crocus sativus, est depuis toujours symbole de richesse. C’est l’épice la plus chère du monde et la seule dont le cours n’ait jamais chuté au fil des temps ! Cela s’explique par de faibles rendements, mais aussi par une culture non mécanisée. Elle est récolté à la main, au fur et à mesure de son épanouissement, d’octobre à novembre, chaque jour à l’aube, lorsque la fleur est à peine épanouie. Après la récolte, on « épluche » la fleur, en ne gardant que les trois stigmates qui seront ensuite séchés. Lors de cette opération, ils perdront 80% de leur poids initial. Les stigmates doivent avoir une forme de « trompe », être de couleur uniforme rouge intense et dépourvus de jaune à l’extrémité. Un safran trop foncé indique un vieux produit ou une température de séchage trop élevée. Des traces de buée à l’intérieur de l’emballage sont signe d’un mauvais séchage et de risque de moisissure.
- Perles du Japon au safran, mangue-coco
- Bananes en chemise
- Abricots farcis à l’orientale
- Comme un flan parisien
- Velouté de petits pois
- Daurade aux poireaux, sabayon au safran
- Truffes de sardines au fenouil
- Pintade douce amère au safran
- Filet mignon de porc, sauce citron safran
- Malfattis safranés, sauce tortue