Une réponse aux maux créés par la civilisation moderne ?
On marche peu, on se sert peu de son corps et le reste du temps on est bien souvent avachi dans un canapé devant la télévision ou assis devant un écran d’ordinateur. Danser permet de redécouvrir son corps, cet inconnu, avec par voie de conséquence des effets bénéfiques sur l’esprit.
Contrairement à d’autres formes de danse ( classique, modern’danse, hip hop, etc.) la danse libre ne requiert pas de compétences spéciales sur le plan physique. Il n’est besoin que de celles nécessaires à l’accomplissement de la vie de tous les jours, c’est-à-dire en premier lieu marcher. Il importe aussi de pouvoir laisser jouer ses épaules et de ne pas avoir le dos, les genoux ou les pieds atteints d’une pathologie invalidante. Pour le dos, si le mal n’est pas trop important et dû essentiellement à de mauvaises postures répétées au fil des jours, elle peut considérablement améliorer la situation en nous faisant prendre conscience de nos mauvaises postures et en nous permettant de les corriger. Cela posé, on peut dire que les effets résultant d’une pratique régulière de la danse libre sont inversement proportionnels à la simplicité des mouvements.
La marche… base de la danse libre…
Notons par ailleurs que depuis quelques années, les bienfaits de cette façon de marcher sont abondamment vantés à travers la pratique de la marche nordique. Celle-ci en effet propose de marcher en utilisant des bâtons posés sur le sol à chaque pas en latéralité croisée. Cela accroît justement le mouvement des épaules, la plupart du temps bloquées ainsi que tout le reste du haut du corps lorsque nous marchons dans notre environnement quotidien.
De fait, danser nécessite la mobilisation et l’utilisation de toutes sortes de facultés psychiques. Nous n’en évoquerons ici que quelques-unes. En premier, il faut bien sûr une écoute attentive de la musique, qui implique l’exercice de la concentration. Il n’est guère possible de danser si on laisse au mental « les clés de la maison », c’est-à-dire si on permet aux pensées qui l’envahissent de façon constante, toute liberté de le faire. Mais en même temps…il ne faut pas être trop concentré non plus car l’auto-observation bloque les réflexes naturels, qu’on cherche justement à retrouver.
Observation, visualisation ou imagination…
Il faut enfin faire preuve de capacité à anticiper, c’est-à-dire prévoir les différentes phases des mouvements pour se mettre en accord avec les phrases et motifs musicaux.
Toutes ces facultés exercées conjointement constituent en fait un puissant levier pour développer ce que l’on peut appeler la « présence à soi-même », c’est-à-dire être présent au présent, vivre pleinement l’instant « présent ». Alors on peut saisir que le présent est un cadeau.
En accroissant notre conscience corporelle, en devenant conscients de ce qui se passe dans le corps en mouvement, nous développons tout simplement notre conscience.
Mais il ne faudrait pas imaginer que cela est…fatigant ou ennuyeux. Rien de tel car tout se fait dans le jeu et la bonne humeur.
Les mouvements de la danse libre
Si la marche naturelle est la base de la pratique de la danse libre, celle-ci ne se limite pas à celle-là. La danse libre n’est pas qu’une question de pas réalisés avec les pieds comme le sont d’autres formes de danse, le reste du corps et en particulier les mains étant peu ou pas sollicités. Dans le cadre de l’entraînement, il est en effet question de réaliser toutes sortes de jeux, avec une ou des balles légères ou lourdes, des foulards, des bâtons ou à main nue, tout en marchant au rythme de la musique.
D’autant plus que dans le même temps et sous l’effet de la musique, le cerveau émotionnel est entré dans le jeu. C’est à travers lui que l’organisme entier, le corps biologique, dialogue avec l’esprit. C’est lui encore qui pilote le système nerveux autonome et, par ce biais, commande toutes les fonctions viscérales ainsi que le système hormonal dont les sécrétions transitent via le système nerveux central. C’est dire l’importance qu’il y a à lui permettre de s’exprimer positivement.
Corps-Esprit-Émotion
Il ne m’est pas possible ici de développer tous les effets bénéfiques, tant sur le corps que sur l’esprit, que peut avoir la danse libre. Aussi me contenterai-je de n’en citer encore que quelques-uns. Conserver son équilibre et sa vitalité tout au long de sa vie est sans aucun doute parmi les plus intéressants. On nous rebat chaque jour les oreilles avec l’augmentation de la durée de la vie. Mais de quelle vie s’agit-il lorsqu’on voit des maisons de retraite remplies de personnes qui ne peuvent plus se déplacer autrement qu’en fauteuil roulant ou à l’aide d’un déambulateur ? Non, ce n’est pas une fatalité et la vieillesse n’est pas nécessairement un naufrage. Il est au contraire d’une importance primordiale de continuer à conserver toutes ses facultés motrices le plus longtemps possible afin de rester une personne autonome. Malkovsky a continué à danser jusqu’à un âge très avancé (il avait 87 ans lorsque j’ai fait mon premier stage avec lui…) et nombre de ses élèves lui emboîtent allègrement le pas.
Quant aux jeux de balle, c’est fou les effets qu’ils peuvent avoir sur la jeunesse du cerveau. D’après certains chercheurs en neurosciences, ils aident à la reconstitution des neurones, influant sur le développement des cellules de l’hippocampe, là où se stockent nos souvenirs et notre capacité à nous diriger dans l’espace. Tout autant que la pratique de la musique, que ce soit à travers celle d’un instrument ou de la danse.
Pour en savoir plus :
La danse libre, sur les traces d’Isadora Duncan et de François Malkovsky
d’Anne-Marie Bruyant – Éditions Christian Rolland (2012)
La danse libre a quitté la scène et ses spectacles, mais elle a intégré la vraie vie. Elle s’offre maintenant à quiconque ressent le désir de « danser sa vie », allumé par Isadora Duncan, pour vivre mieux et plus intensément. Cet ouvrage est né de la rencontre entre la pratique de la danse libre de l’auteur et les « Dialogues avec l’Ange » de Gitta Malash. S’est alors ouvert pour Anne-Marie Bruyant le chemin qui permet à l’âme de s’exprimer à travers le corps et à celui-ci d’écouter le chant du monde. Par ce livre, elle partage son expérience de la danse libre et propose au lecteur d’emprunter cette voie inspirante sur les traces d’Isadora Duncan et de François Malkovski.