Fin du biopiratage ?

Les samedi 13 juin et lundi 15 juin derniers, se tenait à Paris le premier Colloque International contre la biopiraterie à l’Assemblée nationale Française, avec la participation exceptionnelle de Vandana Shiva, Prix Nobel alternatif.

Le rôle de ce colloque est la défense des droits des peuples autochtones sur la biodiversité ou comment protéger une plante, sauvage ou cultivée, revendiquée comme faisant partie du patrimoine immatériel d’une population ou d’un pays.

Le Collectif Biopiraterie s’est créé sous l’impulsion de 3 associations (Paroles de Nature, ICRA et la Fondation France Liberté) afin de relayer le droit des peuples autochtones à préserver leurs ressources naturelles et valoriser leurs savoirs traditionnels. Il coordonne des actions juridiques et médiatiques pour s’opposer aux dépôts de brevets illégitimes sur la biodiversité.

Plus de 15 intervenants internationaux (Afrique du Sud, Inde, Equateur, Pérou Belgique…) parmi les plus reconnus ont répondu présent. Ces représentants de peuples autochtones, juristes, scientifiques, entrepreneurs… débattront au cours de 3 tables rondes pour nous faire comprendre en quoi la biopiraterie est une menace pour la diversité culturelle et biologique. La présentation de cas concrets en Asie, Afrique, Amérique du Sud nous permettront de mieux percevoir la complexité de ce phénomène. Enfin, l’objectif est d’aboutir à la recherche d’alternatives pour lutter contre la biopiraterie.
Vandana Shiva, Prix Nobel alternatif, dont les actions de lutte contre la biopiraterie sont mondialement reconnues, ouvrira et accompagnera cette rencontre.

Le biopiratage ou à qui appartient le monde?

Les mots biopiraterie et biopiratage viennent d’entrer au dictionnaire français. Ils sont définis comme « l’appropriation et l’exploitation par des sociétés commerciales, dans des conditions jugées illégales ou inéquitables, de ressources biologiques ou génétiques propres à certaines régions ».

Cela concerne bien évidemment les dépôts de brevets par des scientifiques et des industriels, qui ont pour effet d’en limiter l’utilisation. Encore David contre Goliath pour les petits producteurs des pays en voie de développement.

Le sommet de la terre de Rio en 1992 a pourtant reconnu la souveraineté des états sur les ressources de leur territoire, les complications sont grandes lorsqu’il s’agit de prouver d’où vient le matériel biologique utilisé par les scientifiques.
En revanche, du fait de la reconnaissance de la souveraineté des États sur leur territoire le matériel biologique cesse d’être un patrimoine de l’humanité dont la circulation n’était soumise à aucune législation. Une porte a un contrôle législatif est maintenant ouverte.

La convention sur la diversité biologique établit lors de ce sommet à pour buts la protection de la biodiversité et la gestion rationnelle de celle-ci dans le cadre du développement durable, elle prévoit que les bénéfices découlant de l’exploitation d’espèces vivantes soient partagés équitablement entre les pays. 153 pays ont signé cette convention sauf les États-Unis, prétextant que « ces dispositions limiteraient indûment l’activité biologique de leur pays ». En 2002, la Convention s’est dotée d’un plan stratégique important dont l’objectif est de réduire, d’ici 2010, la perte globale de la biodiversité à l’échelle de la planète.

Cette convention a aussi son revers de la médaille selon Hope Shand, directrice de la recherche pour ETC Group, une ONG d’Ottawa qui vise la protection de la biodiversité et le respect des droits de la personne notamment en ce qui concerne les nouvelles technologies : « La Convention sur la diversité biologique a encouragé une relation inégale quant à l’exploitation des richesses de la biodiversité ». Elle a renforcé la soumission des pays pauvres : 85 % de la biodiversité se trouve dans les pays du tiers-monde qui n’ont ni les moyens ni les infrastructures pour tirer profit de leurs richesses.

À titre d’exemple on trouve en Amérique du Sud de nombreuses actions de biopiraterie et une certaine exaspération de ces pays qui dénoncent maintenant ouvertement ces pratiques car le biopiratage est une forme de poursuite du pillage du Tiers-monde qui nie la contribution des populations du Sud à la préservation et à l’enrichissement de la biodiversité. Les pays riches du Nord contre ceux du Sud les plus pauvres.

Comment opèrent les biopirates

Très simplement en fait. Des chercheurs d’une université, généralement américaine, prélèvent du matériel biologique dans un pays du Sud. Ils isolent et séquencent un gène aux propriétés particulières, connues depuis “des générations” par les populations autochtones. Puis, pour faire reconnaître et protéger leur travail et leur innovation, ils demandent un droit de propriété intellectuelle, généralement un brevet.

Enfin, une firme multinationale pharmaceutique ou agrochimique en situation de monopole achète ce brevet dont elle est censée tirer des revenus illimités grâce à la production de médicaments ou de semences génétiquement modifiées. Les ONG indigénistes et environnementales n’ont de cesse de dénoncer ces agissements, réels ou supposés. Des revendications identitaires et foncières, la morale, le droit des peuples sur leurs ressources et leurs savoirs ancestraux sont alors avancés, mais ce sont surtout des demandes de dédommagement, d’intéressement aux bénéfices, pour les États et les populations, qui sont opposées à cette nouvelle forme de piraterie.

Avec le développement biotechnologie il est devenu très simple de faire sortir la matière première du pays : « Plus besoin d’énormes quantités de plantes pour isoler une molécule active : un simple pétale froissé entre les pages d’un livre suffit », explique Maria Lins Brandao, professeur de pharmacologie et spécialiste des plantes médicinales à l’université du Minas Gerais, dans la ville de Bello Horizonte (sud est du Brésil).
Selon l’Institut brésilien de l’environnement et des ressources renouvelables, la biopiraterie, y compris le trafic d’animaux, est l’une des activités les plus lucratives de la planète. Avec un chiffre d’affaires d’environ 70 milliards de dollars par an, la biopiraterie occupe la troisième place des activités illicites, tout juste derrière la contrebande des armes et des stupéfiants.

Le biopiratage au Pérou

La Maca, ou « ginseng péruvien » dite aussi « viagra vert » est très convoitée par les laboratoires pharmaceutiques qui ont trouvé là un nouveau filon commercial pour lutter contre le vieillissement et garder une éternelle jeunesse.
Dans les années 70, la culture de la Maca a été abandonnée, au point qu’en 1982, la Maca est déclarée en voie d’extinction. Puis le Pérou se réapproprie la culture de la plante. Mais en 2002, La Maca est menacée de brevets américains supposant la mainmise sur leur exploitation. Aujourd’hui, la Maca fait partie officiellement du patrimoine péruvien. Le gouvernement péruvien interdit la commercialisation de la Maca fraîche à l’export.

La Quinoa, cette petite plante des Andes aussi appelée le blé des Incas a elle aussi fait l’objet d’un dépôt de brevet suite à une recherche purement universitaire.

Et que dire de l’Ayahausca, plante hallucinogène au caractère sacré utilisé dans les itinéraires chamaniques a suscité une véritable levée de bouclier auprès de la population face à l’Office américain des brevets qui, à deux reprises, a permis de breveter la plante entière pour des recherches médicales sur le cancer.

Le cas récent du Cupuaçu, fruit cultivé dans toute l’Amazonie, dont le Japon s’est tout tout simplement attribué le nom de marque commerciale cupuaçu.

Le biopiratage au Brésil

Le Brésil possède à lui seul 22 % des espèces de la planète sur les 30 000 que l’on retrouve au sein de la forêt amazonienne.

Au Brésil en terre Katukina, une petite grenouille appelée la grenouille Kambo est la convoitise de nombreux chercheurs et laboratoires pharma-ceutiques. En effet, cette petite grenouille au nom savant de Phyllomédusa bicolore verte secrète un venin qui pourrait bien renfermer le secret de la guérison de nombreux maux chez les occidentaux, dont le parkinson, l’hépatite, l’ischémi, le sida et le cancer. Son venin contient près de 200 molécules actives, dont la dermorphine, substance 300 fois plus puissante que la morphine. 10 brevets sur des principes actifs sur les sécrétions de cette petite grenouille vert fluo ont déjà été développés par des chercheurs du Japon, des États-Unis et de l’union Européenne.

Le marché des ressources énergétiques du Brésil est estimé à 1 000 milliards de dollars et on comprend fort bien que les grands laboratoires pharmaceutiques convoitent ces ressources. Sans aucune législation sur la bioprospection tout est permis, même si le Sommet de la Terre de Rio en 1992 a reconnu la souveraineté des états sur les ressources de leur territoire. La petite grenouille verte tant convoitée se trouve également sur les terres de 15 autres communautés indigènes, au Pérou et au Venezuela.
Au Brésil, les guérisseurs utilisent le venin depuis des siècles pour renforcer le système immunitaire et pour eux breveter cet élément de leur pharmacopée traditionnelle est un vol pur et simple.

L’Andiroba
Qui ne connaît pas les produits Yves Rocher (filiale de Sanofi, laquelle est filiale d’Elf Aquitaine), en faisant mes recherches j’ai découvert que cette société de vente de produits de beauté qui s’affiche comme étant la première au monde en produit de sources uniquement végétale, fait partie de ce que nous appelons la biopiraterie. En effet, Sa gamme de produits minceur utilise l’extrait des fruits de l’arbre Andiroba, un brevet a été déposé en 1999. C’est du vol manifeste, un hold-up, appelons cela comme on veut.
L’écorce, les feuilles ainsi que l’huile obtenue à partir de la graine de l’Andiroba font partie de la pharmacopée traditionnelle amazonienne. L’Andiroba est un arbre qui pousse sur les sols marécageux à une hauteur de 25 m. L’huile jaunâtre extraite des graines a des propriétés médicinales importantes et est un précieux répulsif naturel contre les insectes. Son nom est issu des populations indiennes à cause de sa saveur amère (nhandi = huile ; rob = amère). Elle est connue en Amazonie pour ses vertus anti-inflammatoires, antiseptique, lipolytique et cicatrisante. Elle chauffe la peau et les muscles en délassant les contractures nerveuses et musculaires ainsi que les douleurs articulaires, vertébrales et hématomes. L’écorce de l’arbre et les feuilles sont utilisées contre la toux, la grippe, la pneumonie. Les Indiens d’Amazonie fabriquent également un savon avec de la cendre de bois aux propriétés impressionnantes pour les maladies de la peau. Les bougies fabriquées par les Indiens d’Amazonie sont un répulsif contre les moustiques vecteurs de la maladie de la dengue.
Quand je dis que cet arbre fait partie de la pharmacopée amazonienne, c’est plus qu’une vérité, et il faut à tout prix lutter contre les grands labos du monde qui s’empressent de breveter des gènes de molécules vivantes.

Le biopiratage en Afrique du Sud

L’Afrique du Sud elle aussi, n’échappe pas au biopiratage. En effet, la Déclaration de Berne (DB) et le Centre Africain pour la biosécurité (ACB) ont fait opposition contre un brevet accordé à l’entreprise allemande Dr. Willmar Schwabe auprès de l’Office européen des brevets.
La DB soutient ainsi la lutte des communautés autochtones en Afrique du sud contre l’appropriation illicite de ressources génétiques et de savoir traditionnel. Fin mai, lors de la conférence des Etats parties de la Convention sur la diversité biologique à Bonn, il s’agira de définir de nouvelles mesures contre la biopiraterie.

L’entreprise allemande Dr. Willmar Schwabe détient actuellement le plus grand nombre de brevets pour l’utilisation médicale du Pélargonium du Cap. Schwabe a développé son produit phare umckaloabo®, un médicament contre la bronchite, sur la base de cette espèce de géranium. La communauté Alice d’Afrique du sud (représentée par ACB) conteste l’octroi de deux brevets, l’un sur la méthode d’extraction de la substance active et l’autre sur l’utilisation du pélargonium contre le sida. La DB participe directement à une de ces oppositions. La porte-parole de la communauté Alice, Nomthunzi Sizani, explique : « Notre communauté voudrait empêcher les entreprises de prétendre qu’elles ont inventé ce médicament. Car ces entreprises se comportent comme des voleurs qui nous dépossèdent de notre savoir traditionnel. » Mariam Mayet, la directrice de l’ACB, ajoute : « Les activités de Schwabe sont en opposition flagrante avec la Convention sur la biodiversité ».

Le biopiratage en Inde

Le Margousier
Heureusement les démarches commencent à porter leur fruit pour le Margousier, « l’arbre pharmacie » originaire d’Inde.
Le cas le plus emblématique à ce jour et qui illustre le mieux la lutte contre la biopiraterie est l’affaire bien connue dite du Neem ou Margousier des Indes. La société américaine W.R. Grace avait déposé une demande de brevet auprès de l’Office européen des brevets portant sur une propriété fongicide du margousier en vue de fabrication d’un pesticide. Or, il se trouve que le margousier est un arbre aux multiples fonctions d’où son nom « L’arbre pharmacie » dans la pharmacopée et l’agriculture indienne, et ses propriétés sont connues depuis des temps immémoriaux, Vandana Shiva, chercheuse indienne très connue qui dénonçait depuis longtemps dans ses articles la privatisation forcenée du vivant comme une nouvelle forme de colonialisme a mené une campagne en vue de l’annulation des brevets occidentaux.
Après moultes démarches et beaucoup de persévérance, dix ans au total, l’Office européen des brevets européen a créé en 2005 un précédent en rejetant la demande de brevet déposé par la société W.R. Grace, reconnaissant l’antériorité des savoirs traditionnels indiens. (ce qui fut difficile car la transmission des savoirs s’est toujours faite de façon orale, pas de traces de données écrites).

Le Hoodia
Les laboratoires Pfizer ont également été déboutés avec le Hoodia, coupe-faim naturel consommé par les San du désert du Kalahari, il voulait tirer profit de son action contre l’obésité.

Les associations militent pour une législation plus protectrice pour les peuples autochtones au niveau international.

C’est une bataille qui ne fait que commencer qui sera longue mais qui arrivera à ses fins. Il a fallu des années pour que les peuples prennent conscience de spoliation et mobilisent, c’est maintenant chose faire.

Pour en savoir plus sur les actions menées à travers le monde

www.amazonlink.org (anglais, espagnol et portugais)

www.socioambiental.org (anglais et portugais)

Collectif biopiraterie, ICRA
236, avenue, Victor Hugo, 94120 FontenayS/Bois
Tél. : 06 89 70 41 78
www.icrainternational.org
www.biopiraterie.org

Association Arutam
chemin de Vermillière 84160 Cadenet
www.arutam.fr

Opération Tierra pour les Kogis, association Tchendukua
11 rue de la Jarry, 94300 Vincennes
Tél. : 01 43 65 07 00
www.tchendukua.com
Livres Kogis, le message des derniers hommes, d’Éric Julien et Gentil Cruz, éd. Albin Michel (et film disponible en DVD)

Opération parc national Yasuni
www.sosyasuni.org

Survival, (Le mouvement pour les peuples indigènes)
45 Rue du faubourg du Temple 75010 Paris
Tél. : 01 42 41 47 62
www.survivalfrance.org

Association Wayanga (Défense des droits, de la culture et des terres indigènes en Amazonie)
26 rue Damremont 75018 Paris
www.wayanga.org

Association paroles de nature
19 bis rue Raymond du Temple 94300 Vincennes.
Tél. : 01 42 23 46 36
www.parolesdenature.org

Autres sources : terresacree.org, www.liberationafrique.org

Jackie Thouny


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Commentaires (1)
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  • Leïla Lessard

    Je suis herboriste d’origine amérindienne (Algonquine). J’utilise beaucoup de plantes indigènes pour manger et pour me soigner.
    Je dénonce cette manière de l’industrie de tout kidnaper au nom de JE NE SAIS QUOI…!!!