Danse Malkovsky et marche portante
Quand marcher est source de joie
Sur un plan plus symbolique, il considère que la marche traduit littéralement notre façon d' »avancer » dans la vie. Si on marche « mal », cela signifie aussi qu’on n’aborde pas la vie de la meilleure façon.
Ainsi certains marchent complètement en arrière de leurs appuis, donnant l’impression d’aborder la vie à reculons, ce qui traduit pour le moins un manque d’enthousiasme, en tout cas une difficulté à s’engager, qui ne saurait être sans répercussions dans leurs interactions avec les autres humains.
Le blocage du haut du corps donne lui l’image d’un individu incapable d’exprimer, voire de ressentir des émotions, et qui se prive donc d’une partie considérable de ce qui doit constituer l’expérience de la vie terrestre.
Marcher s’apprend
On pense couramment que marcher est une activité innée, qui se passe de tout apprentissage autre que celui fait par chaque enfant lors de ses premiers pas.
Pour Jacques Alain Lachant, la réalité est tout autre et il pense que marcher s’apprend. Il s’agit dans un premier temps d’éviter, et ce dès l’enfance, de « prendre » un certain nombre de défauts qui vont, au fil du temps, constituer notre « façon » de marcher mais également se répercuter sur la totalité de notre squelette, induisant des micro-effets compensatoires, sources de problèmes plus graves.
J’invite chacun à se reporter au livre de Jacques Alain Lachant pour avoir de plus amples connaissances sur le sujet. Il ressort en tout cas de cette réflexion qu’il existe une autre façon de marcher, non pathogène cette fois et qu’il nomme marche portante.
La marche portante dans la danse Malkovsky
Il n’est pas étonnant que, dans le travail de la danse énergétique et libératrice Malkovsky, la marche occupe une place prépondérante. Selon moi, elle réalise même absolument les recommandations de Jacques Alain Lachant et c’est la raison pour laquelle elle est le premier aspect que tout danseur débutant doit s’efforcer de modifier afin de se reconnecter avec les forces de la vie.
Ce que l’on apprend en premier au cours de ce travail concerne le posé du pied sur le sol. Quand on regarde la façon dont les gens marchent dans la rue, on constate que chacun pose d’abord le talon, retroussant légèrement la pointe du pied vers le haut. C’est justement cela que critique l’ostéopathe car ce modus operandi suppose que le marcheur lance les jambes en avant.
Malkovsky, bien que se plaçant d’un point de vue non médical, a senti les conséquences globalement négatives d’une telle façon de marcher. Si Jacques Alain Lachant propose de pratiquer la marche portante pour remédier aux dommages produits par la marche pathogène, François Malkovsky a, de son côté, inventé une pédagogie ludique permettant à chacun de réapprendre à marcher. Grâce à ce travail en conscience, la marche pathogène disparait progressivement au profit de la marche « portante », source inépuisable de dynamisme.
Ainsi, au lieu de commencer à contacter le sol par le talon (on dit parfois attaquer, ce qui n’est pas sans évoquer une attitude guerrière) Malkovsky préconise de se recevoir sur le sol, à chaque pas. L’expression suggère en elle-même aussi bien la douceur envers soi-même que la convivialité.
Il s’agit donc de poser en premier la plante du pied, qui en est la partie la plus charnue, une sorte de coussinet comme en possèdent de nombreux quadrupèdes non pourvus de sabots, à commencer par les chats et les chiens.
Toutefois, envisager de faire de chaque pas une réception, dans tous les sens du terme, n’est possible qu’en modifiant également les différentes phases qui la précèdent et dont elle est le résultat. Car venir ainsi se recevoir sur l’avant-pied exige d’avoir au préalable créé un déséquilibre rattrapé par le posé du pied.
Pratiquer l’équilibre mouvant
Un déséquilibre se produit lorsque le pied heurte un obstacle qui l’empêche de se poser. Cela projette le haut du corps en avant, au point de provoquer éventuellement une chute.
Le déséquilibre survient aussi lors d’un élan. D’abord « l’élan du cœur »: quelque chose ou quelqu’un m’attire et j’ai envie (preuve que je suis « en vie ») de le rejoindre au point de me lancer dans le vide (l’espace devant moi).
Ainsi je m’élance vers mon objectif….créant un déséquilibre que je rattrape en posant le pied. Le même processus se répète à chaque pas.
Laisser balancer les bras
Cette suite de déséquilibre-rééquilibre s’accompagne alors d’un balancement des bras qui favorise un jeu réflexe où l’épaule qui se trouve en avant y amène le pied opposé, ainsi prêt à se poser, et inversement.
À chaque pas, le corps retrouve sa verticalité avant tout nouveau déséquilibre nécessaire pour effectuer le pas suivant.
Résultat : chaque partie du corps est à sa place et tout joue en harmonie. La respiration est libérée.
Quand la marche s’effectue de cette façon, l’ensemble du corps est impliqué.
Il devient impossible de marcher uniquement avec les jambes en laissant le haut du corps bloqué et inerte. Cela donne l’impression au marcheur d’aller de l’avant, avec en plus une sensation de légèreté, de dynamisme et d’euphorie.
Plus d’accablement, plus de peur. Pas de fatigue. La vie n’est plus un fardeau mais Joie. C’est l’être qui ose s’affirmer, montrer qui il est pour devenir Qui il Est.
Pour en savoir plus :
La danse libre, sur les traces d’Isadora Duncan et de François Malkovsky
d’Anne-Marie Bruyant – Éditions Christian Rolland (2012)
L’Américaine Isadora Duncan (1877-1927) a révolutionné la danse du XXe siècle en rejetant radicalement le langage et la formation de la danse classique au profit d’une danse plus naturelle et spontanée. Bien que les plus grands danseurs et chorégraphes qui lui ont succédé aient reconnu son rôle majeur dans l’évolution de la danse, la voie qu’elle a ouverte a été désertée par tous ceux qui occupent le devant de la scène. Inspiré par la danseuse aux pieds nus, François Malkovski (1889-1982) fut le génial inventeur d’une pédagogie permettant au corps de retrouver et conserver sa liberté de mouvement afin d’exprimer les émotions humaines.
La danse libre a quitté la scène et ses spectacles, mais elle a intégré la vraie vie. Elle s’offre maintenant à quiconque ressent le désir de « danser sa vie », allumé par Isadora Duncan, pour vivre mieux et plus intensément. Cet ouvrage est né de la rencontre entre la pratique de la danse libre de l’auteur et les « Dialogues avec l’Ange » de Gitta Malash. S’est alors ouvert pour Anne-Marie Bruyant le chemin qui permet à l’âme de s’exprimer à travers le corps et à celui-ci d’écouter le chant du monde. Par ce livre, elle partage son expérience de la danse libre et propose au lecteur d’emprunter cette voie inspirante sur les traces d’Isadora Duncan et de François Malkovski.