Allan Kardec, le codificateur du Spiritisme
Biographie d'Allan Kardec
français Léon-Hippolyte Denizard Rivail, qui a codifié le
spiritisme après avoir étudié le phénomène des « tables tournantes »,
dans les années1850.
Léon-Hippolyte Denizard Rivail
Léon-Hippolyte Denizard Rivail, plus connu sous son nom de plume d’Allan Kardec, naquit à Lyon, le 4 octobre 1804, d’une vieille famille de Bourg-en-Bresse, qui s’était distinguée depuis de nombreuses générations dans la magistrature et au barreau. Son père, comme son grand-père, était un avocat de bonne réputation et de haute moralité ; sa mère, remarquablement belle, accomplie, élégante et aimable, était l’objet, de sa part, d’une affection profonde et adoratrice, maintenue inchangée tout au long de sa vie.
Formé à l’Institution de Pestalozzi, à Yverdun (canton de Vaud), il acquit de bonne heure l’habitude de l’investigation et la liberté de pensée dont sa vie future devait fournir un si frappant exemple. Doué par nature d’une passion pour l’enseignement, il s’est consacré, dès l’âge de quatorze ans, à aider les études de ceux de ses condisciples qui étaient moins avancés que lui ; tandis que son goût pour la botanique était tel qu’il passait souvent une journée entière dans les montagnes, marchant vingt ou trente milles, un portefeuille sur le dos, à la recherche de spécimens pour son herbier. Né dans un pays catholique, mais élevé dans un pays protestant, il commença, alors qu’il n’était encore qu’un jeune garçon, à méditer sur les moyens de réaliser une unité de croyance entre les diverses sectes chrétiennes,
Ayant terminé ses études à Yverdun, il revint à Lyon en 1824, avec l’intention de se consacrer au droit ; mais divers actes d’intolérance religieuse auxquels il se trouva inopinément soumis l’amenèrent à renoncer à l’idée de se préparer au barreau et à s’installer à Paris, où il s’occupa quelque temps de traduire Télémaque et d’autres livres français courants. pour les jeunes en allemand. Après avoir longuement déterminé sa carrière, il acheta, en 1828, un grand et florissant établissement d’enseignement pour garçons, et se consacra à l’œuvre de l’enseignement, pour laquelle, par ses goûts et ses connaissances, il était particulièrement apte. En 1830, il loua à ses frais une grande salle rue de Sèvres et y ouvrit des gratuits de chimie, de physique, d’anatomie comparée et d’astronomie.
Toujours désireux de rendre l’instruction attrayante autant que profitable, il inventa une méthode ingénieuse de calcul, et construisit une table mnémotechnique de l’histoire de France, pour aider les étudiants à se souvenir des événements et des découvertes remarquables de chaque règne.
Parmi les nombreux ouvrages éducatifs publiés par lui, on peut citer Un plan pour l’amélioration de l’instruction publique, soumis par lui en 1828 à la Chambre législative française, par laquelle il fut hautement vanté, mais non suivi d’effet ; Un cours d’arithmétique pratique et théorique, sur le système pestalozzien, à l’usage des enseignants et des mères (1829) ; Une grammaire classique de la langue française (1831); Un manuel à l’usage des candidats aux examens dans les écoles publiques ; avec des solutions explicatives de divers problèmes d’arithmétique et de géométrie (1848); Dictées normales pour les examens de l’Hôtel de Ville et de la Sorbonne, avec dictées spéciales sur les difficultés orthographiques (1849). Ces ouvrages, très estimés au moment de leur publication, sont encore en usage dans de nombreuses écoles françaises ; et leur auteur sortait de nouvelles éditions de certains d’entre eux au moment de sa mort.
Il était membre de plusieurs sociétés savantes; entre autres, de la Société royale d’Arras, qui, en 1831, lui décerne le prix d’honneur pour un essai remarquable sur la question : « Quel est le système d’études le plus en harmonie avec les besoins de l’époque ? » Il fut pendant plusieurs années secrétaire de la Société de phrénologie de Paris, et prit une part active aux travaux de la Société de magnétisme, consacrant beaucoup de temps à l’étude pratique du somnambulisme, de la transe, de la clairvoyance et des divers autres phénomènes liés au magnétisme. Ce bref aperçu de ses travaux suffira à montrer son activité mentale, la variété de ses connaissances, le tour éminemment pratique de son esprit, et son effort constant d’être utile à ses semblables.
Découverte du Spiritisme
Lorsque, vers 1850, le phénomène des « tables tournantes » excita l’attention de l’Europe et inaugura d’autres phénomènes connus depuis sous le nom de « spirite », il devina rapidement la nature réelle de ces phénomènes, comme preuve de l’existence d’un ordre de relations jusque-là soupçonnées plutôt que connues, à savoir celles qui unissent les mondes visible et invisible. Prévoyant l’immense importance, pour la science et pour la religion, d’une telle extension du champ de l’observation humaine, il entreprit aussitôt une enquête minutieuse sur les nouveaux phénomènes.
Un de ses amis avait deux filles qui étaient devenues ce qu’on appelle aujourd’hui des « médiums ». C’étaient des filles gaies, vives, aimables, aimant la société, la danse et l’amusement, et habituellement lorsqu’elles étaient « assises » seules ou avec leurs jeunes compagnes, recevaient « communications » en harmonie avec leur disposition mondaine et quelque peu frivole. Mais, à la surprise de tous, il a été constaté que, chaque fois qu’il était présent, les messages transmis par ces jeunes dames étaient d’un caractère très grave et sérieux ; et en s’enquérant auprès des intelligences invisibles de la cause de ce changement, on lui dit que « des esprits d’un ordre beaucoup plus élevé que ceux qui communiquaient habituellement par l’intermédiaire des deux jeunes médiums venaient expressément pour lui, et continueraient à le faire, en afin de lui permettre de remplir une importante mission religieuse. »
Très étonné d’une annonce aussi inattendue, il entreprit aussitôt d’en éprouver la véracité en élaborant une série de questions progressives en rapport avec les divers problèmes de la vie humaine et de l’univers dans lequel nous nous trouvons, et les soumit à son regard invisible. interlocuteurs, recevant leurs réponses par l’intermédiaire des deux jeunes médiums, qui ont volontairement consenti à consacrer deux soirées par semaine à cette fin, et qui ont ainsi obtenu, par le tapage sur table et l’écriture à la planchette, les réponses qui ont devenue la base de la théorie spirite, et qu’ils étaient aussi peu capables d’apprécier que d’inventer.
Alors que ces conversations duraient depuis près de deux ans, il dit un jour à sa femme, à propos du déroulement de ces séances, qu’elle avait suivies avec une intelligence intelligente : « C’est une chose des plus curieuses ! Mes conversations avec les intelligences invisibles ont complètement révolutionné mes idées et mes convictions. Les instructions ainsi transmises constituent une théorie entièrement nouvelle de la vie, du devoir et de la destinée humaine, qui me paraît parfaitement rationnelle et cohérente, admirablement lucide et consolante, et d’un intérêt intense. J’ai bien envie de publier ces conversations dans un livre ; car il me semble que ce qui m’intéresse si profondément pourrait très probablement intéresser d’autres. »
Le Livre des Esprits
Sa femme approuvant chaleureusement l’idée, il la soumit ensuite à ses interlocuteurs invisibles, qui lui répondirent de la manière habituelle : que c’étaient eux qui l’avaient suggéré à son esprit, que leurs communications lui avaient été faites, non pour lui seul, mais dans le but exprès d’être donnés au monde comme il se proposait de le faire, et que le moment était maintenant venu pour mettre ce plan à exécution. « Au livre dans lequel vous incarnerez nos instructions, poursuivirent les intelligences communicantes, vous donnerez, comme étant notre ouvrage plutôt que le vôtre, le titre de : Le Livre des Esprits ; et vous le publierez, non pas sous votre propre nom, mais sous le pseudonyme d’Allan Kardec. Gardez votre propre nom de Rivail pour vos propres livres déjà publiés ; mais prenez et gardez le nom que nous vous avons donné maintenant pour le livre que vous allez publier par notre ordre, et, en général, pour tout le travail que vous aurez à faire dans l’accomplissement de la mission qui, comme nous l’avons déjà dit, vous a été confiée par la Providence, et qui s’ouvrira progressivement devant vous au fur et à mesure que vous y avancerez sous notre conduite. »
Le livre ainsi produit et publié se vendit avec une grande rapidité, faisant des adeptes non seulement en France, mais sur tout le continent, et faisant du nom d’Allan Kardec un mot familier auprès des lecteurs qui ne le connaissaient qu’en rapport avec lui ; de sorte qu’il ne fut plus appelé que de ce nom, excepté par ses anciens amis personnels, avec lesquels lui et sa femme conservèrent toujours leur nom de famille. Peu après sa publication, il fonda La Société Parisienne d’Etudes Psychologiques , dont il fut Président jusqu’à sa mort, et qui se réunissait tous les vendredis soirs chez lui, dans le but d’obtenir des esprits, par l’intermédiaire des médiums de l’écriture, des instructions dans l’élucidation de la vérité. Il a également fondé et édité jusqu’à sa mort un magazine mensuel, intitulé La Revue Spirite, Journal of Psychologic Studies, consacré à la défense des vues exposées dans The Spirit’s Book .
Développement du Spiritisme
Des associations similaires se formèrent rapidement dans le monde entier. Beaucoup de périodiques furent publiés, de plus ou moins d’importance, à l’appui de la nouvelle doctrine ; et tous transmettaient à la Société parisienne les plus remarquables des communications spirituelles qu’ils recevaient. Une énorme masse d’enseignements spirituels, unique à la fois en quantité et dans la variété des sources à partir desquelles elle a été obtenue, a ainsi trouvé son chemin entre les mains d’Allan Kardec par qui elle a été étudiée, rassemblée, coordonnée, avec un zèle et un dévouement inlassables, pendant une période de quinze ans. À partir des communications qui lui furent ainsi fournis de tous les coins du globe, il agrandit et compléta Le Livre des Esprits, sous la direction des esprits par qui il a été dicté à l’origine; l’« édition révisée » dont l’œuvre, publiée par lui en 1857 est devenue le manuel reconnu de l’école de philosophie spirite si intimement associée à son nom. À partir des mêmes communications, il compila par la suite quatre autres ouvrages, à savoir,
- Le Livre des Médiums (un traité pratique sur la médiumnité et les évocations), en 1861;
- L’Evangile selon le Spiritisme (une présentation de la morale du point de vue spirite), en 1864;
- Le Ciel et l’Enfer (une justification de la justice divine de la race humaine), en 1865; et
- La Genèse (montrant la concordance de la théorie spirite avec les découvertes de la science moderne et avec la teneur générale du récit mosaïque expliqué par les esprits), en 1868.
Il a également publié deux courts traités, intitulés Qu’est-ce que le spiritisme ? en 1858 et le spiritisme réduit à sa plus simple expression.
Il est à remarquer, en relation avec les travaux que nous venons d’énumérer, qu’Allan Kardec n’était pas un « médium », et était par conséquent obligé de se prévaloir de la médiumnité des autres pour obtenir les communications spirituelles à partir desquelles il travailla. La théorie de la vie et du devoir, si immédiatement liée à son nom et à ses travaux qu’on suppose souvent à tort qu’elle a été le produit de son seul esprit ou des esprits en relation immédiate avec lui, est donc bien moins l’expression d’une volonté personnelle ou d’une opinion individuelle, que n’importe quelle autre des théories spiritualistes proposées jusqu’ici ; car la base de la philosophie spiritualiste posée dans ses ouvrages n’était en aucune façon la production de sa propre intelligence, mais était aussi nouvelle pour lui que pour n’importe lequel de ses lecteurs,
Allan Kardec en personne
En personne, Allan Kardec était un peu en dessous de la taille moyenne. Robuste, avec une grosse tête ronde et massive, des traits bien marqués et des yeux gris clair, il ressemblait plus à un Allemand qu’à un Français. Énergique et persévérant, mais d’un tempérament calme, prudent et dépourvu d’imagination presque jusqu’à la froideur, incrédule par nature et par éducation, raisonneur proche et logique, et éminemment pratique dans la pensée et dans l’action, il était également exempt de mysticisme et d’enthousiasme.
Dépourvu d’ambition, indifférent au luxe et à l’étalage, les modestes revenus qu’il avait tirés de l’enseignement et de la vente de ses ouvrages pédagogiques suffisaient au style de vie simple qu’il avait adopté, et lui permettaient de consacrer la totalité des bénéfices provenant de la vente de ses livres spirites et de la Revue Spiriteà la propagation du mouvement initié par lui. Son excellente épouse le soulageait de tous les soucis domestiques et mondains, et lui permettait ainsi de se consacrer entièrement au travail auquel il se croyait appelé, et qu’il poursuivait avec un dévouement indéfectible, à l’exclusion de toutes occupations, intérêts étrangers , et compagnonnages, depuis le moment où il y est entré pour la première fois jusqu’à sa mort.
Il ne faisait de visites qu’à un petit cercle d’amis intimes, et s’absentait très rarement de Paris, passant ses hivers au cœur de la ville, dans les salons où il publiait sa Revue, et ses étés à la Villa Ségur, une petite retraite rurale qu’il fit construire et planter, comme la maison de ses vieux jours et celle de sa femme, dans la région suburbaine derrière le Champ de Mars.
Grave, lent de parole, modeste dans ses manières, mais non sans une certaine dignité tranquille résultant du sérieux et de la détermination qui étaient les traits distinctifs de son caractère, ne courtisant ni n’évitant la discussion, mais ne faisant jamais volontairement aucune remarque sur le sujet auquel il avait consacré sa vie, il recevait avec affabilité les innombrables visiteurs de toutes les parties du monde qui venaient s’entretenir avec lui des vues dont il était l’expert reconnu, répondant aux questions et aux objections, expliquant les difficultés et donnant des renseignements aux tous des chercheurs sérieux, avec qui il parlait avec liberté et animation, son visage s’illuminant parfois d’un sourire cordial et agréable, bien que telle était sa sobriété habituelle de comportement qu’il n’était jamais connu pour rire.
Parmi les milliers de personnes qui lui rendaient ainsi visite, il y avait beaucoup de personnes de haut rang dans les mondes social, littéraire, artistique et scientifique. L’empereur Napoléon III, dont l’intérêt pour les phénomènes spirites n’était pas un mystère, le fit venir plusieurs fois et eut avec lui aux Tuileries de longs entretiens sur les doctrines du Livre des Esprits .
Atteint depuis de nombreuses années d’une maladie cardiaque, Allan Kardec dressa, début 1869, le plan d’une nouvelle organisation spirite, qui devait poursuivre le développement de son œuvre après sa mort. Afin d’assurer son existence, en lui conférant une personnalité juridique et commerciale, il a décidé d’en faire une société anonyme d’édition et de librairie à responsabilité limitée régulièrement constituée, pour une durée de quatre-vingt-dix-neuf ans, avec faculté de acheter et vendre, émettre des actions, recevoir des dons et des legs, etc. A cette société, qui devait s’appeler « La société par actions pour la poursuite des travaux d’Allan Kardec », il entendait léguer les droits d’auteur de ses écrits et ouvrages spirites, ainsi que la Revue Spirite.
Mais Allan Kardec n’était pas destiné à participer à la réalisation du projet auquel il s’intéressait si profondément, et qui a été depuis réalisé complètement par sa veuve.
Le 31 mars 1869, venant d’achever la rédaction de la constitution et des règles de la société qui devait prendre le lieu d’où il prévoyait qu’il serait bientôt chassé, il était assis dans sa chaise habituelle à sa table d’étude, en ses appartements de la rue Sainte-Anne, en train de boucler une liasse de papiers, lorsque sa vie mouvementée fut brusquement interrompue par la rupture de l’anévrisme dont il souffrait depuis si longtemps. Son passage de la terre au monde des esprits, avec lequel il s’était si étroitement identifié, fut instantané, indolore, sans soupir ni tremblement ; un endormissement et un réveil des plus paisibles, une fin en forme d’une telle vie.
Ses restes ont été enterrés au cimetière du Père Lachaise, en présence d’un grand nombre d’amis, dont plusieurs centaines s’y rassemblent chaque année, à l’anniversaire de son décès, lorsque quelques mots commémoratifs sont prononcés, et des fleurs fraîches et des couronnes, comme est habituel dans les cimetières continentaux, sont déposés sur sa tombe. Il est à noter que depuis, chaque jour, sa tombe est fleurie de fleurs fraîches, par des anonymes.
Il est impossible de déterminer avec exactitude le nombre de ceux qui ont adopté la philosophie développée par Allan Kardec ; estimés par eux-mêmes à plusieurs millions, ils sont incontestablement très nombreux. Les périodiques consacrés à la défense de sa doctrine dans divers pays sont déjà au nombre de plus de quarante, et de nouveaux paraissent constamment. La mort d’Allan Kardec n’a pas ralenti la diffusion de la doctrine Spirite qu’il a développé, et qui est considérée par ceux qui la considèrent comme la base, mais la base seulement, du nouveau développement de la vérité religieuse prédit par le Christ ; le début de la révélation promise de « beaucoup de choses » qui ont été « gardées cachées depuis la fondation du monde », et pour lesquelles la race humaine n’était « pas prête » au moment de l’élaboration de la doctrine Spirite.